Lanceur d’alerte en entreprise : cas d’alertes et protection

Les lanceurs d'alerte en entreprise sont des travailleurs courageux qui prennent souvent des risques personnels considérables pour exposer des pratiques frauduleuses, des comportements illicites ou des violations éthiques au sein de leur entreprise.

Leur rôle est crucial dans la détection précoce des dysfonctionnements internes, contribuant ainsi à prévenir les crises et à protéger le bien commun.

Le chemin des lanceurs d'alerte est souvent semé d'embûches. Mais leur rôle est essentiel, et leur courage de plus en plus protégé et salué.

Récapitulatif des approches réglementaires et les mesures de protection des lanceurs d'alerte pour favoriser une culture organisationnelle fondée sur l'intégrité et la responsabilité.

Le lanceur d'alerte signale des irrégularités internes

Qu'est-ce qu'un lanceur d'alerte ?

Un lanceur d'alerte en entreprise est un employé qui adresse un signal d'alarme public à la société civile (auprès des instances officielles, associations ou de la presse) après avoir eu connaissance d'un danger, d'un risque ou d'un scandale avéré au sein de l’entreprise, souvent contre l'avis de sa hiérarchie.

Il agit dans le but d’enclencher un processus de régulation ou de mobilisation collective de manière bénévole et désintéressée, 

Le terme lanceur d’alerte (qui agit pour le bien commun) a été défini en opposition à celui de délateur (qui agit dans son intérêt personnel).

En France, la notion de lanceur d'alerte est un peu différente de celle du «whistleblower» anglo-saxon , s’entend plutôt d’une personne qui cherche à interrompre une action illégale, irrégulière ou injuste.

À savoir : le concept de lanceur d’alerte, même s’il ne porte pas ce nom, existait déjà pour les fonctionnaires de l’administration et les militaires auxquels on reconnaît depuis 1983 le droit de «ne pas exécuter un ordre prescrivant d'accomplir un acte manifestement illégal ou contraire aux règles du droit international» (Source : Légifrance). 

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Importance et rôle des lanceurs d’alerte

Les lanceurs d’alerte sont à l’origine de la découverte de scandales sanitaires comme les risques cancérigènes de l’amiante, les dangers des centrales nucléaires, la maladie de la vache folle, etc.

Historiquement en France, les premiers lanceurs d'alertes ont été des scientifiques travaillant pour des laboratoires, des organismes de santé ou des entreprises nucléaires, chimiques, etc. en regard de risques sanitaires ou environnementaux,

Le nombre de lanceurs d’alerte n’a cessé de croître depuis le début des années 1990. 

Des alertes sont de plus en plus fréquentes concernant des dangers avérés pour le grand public de pollutions, dangers pour la santé (pesticides, perturbateurs endocriniens, cancérigènes…), les technosciences, les conditions de travail (harcèlement), l’exil fiscal ou des affaires d’envergure internationale (affaire WikiLeaks, Snowden, Panama papers…).

À noter  : Les lanceurs d’alertes prennent de gros risques et sont confrontés à des pressions importantes, sans toujours bénéficier de protection juridique. Ils s’exposent à une perte d'emploi et à des poursuites de la part de leur entreprise. 

Dans certains cas des lanceurs d’alertes sont même victimes de répercussions personnelles, de harcèlement, violences, poursuites-bâillons…

Qui peut être lanceur d'alerte ?

Un lanceur d’alerte en entreprise est censé agir dans le cadre professionnel, ou à tout le moins avoir eu personnellement connaissance des faits , ce qui signifie qu’un lanceur d'alerte ne peut pas reporter des faits dont il a simplement entendu parler. Il doit en avoir témoigné.

Toute personne liée à une entreprise peut être lanceur d'alerte ; salarié, ancien salarié, candidat, actionnaire, associé ou titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale, collaborateur extérieur ou occasionnel, cocontractant ou sous-traitant.

Les informations obtenues doivent l’avoir été pendant l’exécution du contrat, ou au moment de la candidature.

Dans quels cas peut-on lancer une alerte ?

 Les faits susceptibles de faire l’objet d’une alerte sont :

  • un crime ou un délit 
  • une menace ou un préjudice pour l’intérêt général (y compris des faits légaux, mais nuisant à l’intérêt général)
  • une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international de la France (Accords de Paris, Convention internationale des droits de l’enfant…) 
  • Une violation du droit européen
  • Une violation d'une loi ou de textes réglementaires (arrêtés, décrets…).

 Attention : certains faits couverts par le secret professionnel ne peuvent pas faire l’objet d’une alerte : 

  • le secret de la défense nationale, au risque de peines de prison
  • le secret médical, sauf si l’alerte porte sur un risque grave pour la santé publique ou pour l’environnement ou dans le cas de violences ou d’abus de faiblesse à condition d’avoir obtenu le consentement de la victime.
  • le secret des délibérations judiciaires, de l’enquête ou de l’instruction judiciaire, s’applique aux juges et magistrats (professionnels) et jurés (non professionnels), sans exception
  • le secret professionnel de l’avocat, sans exception

Cependant le secret professionnel ne signifie pas qu’il est légalement impossible de lancer une alerte, mais ce n'est pas la procédure ni le cadre juridique du lanceur d’alerte qui s'appliquent. Les professionnels concernés doivent s’adresser à leur autorité de tutelle pour connaître la marche à suivre (ordre des médecins, Ordre des magistrats…).

Liste dispositifs d'alertes professionnelles obligatoire

Liste de lanceurs d'alerte connus

Le monde a connu des lanceurs d'alerte célèbres, parmi lesquels : 

  • Bradley Birkenfeld, ancien conseiller en gestion de patrimoine de la banque UBS à Genève a révélé les pratiques illégales de la banque pour permettre à ses clients de cacher leurs revenus à l’IRS. Ce scandale a contribué à la chute du secret bancaire en Suisse.
  • Jeffrey Wigand, cadre de l'industrie du tabac , a révélé au début des années 1990 que les fabricants de cigarettes cachaient volontairement le caractère cancérigène des cigarettes depuis des années.
  • En 2019, l'agronome, Louis Robert a dénoncé l’ingérence des compagnies du secteur privé dans la recherche publique sur l’utilisation des pesticides.
  • Rui Pinto est à l’origine des Football Leaks mettant en lumière les pratiques de dopage financier des grands clubs de foot, les pratiques immorales et illégales de la FIFA, l’exploitation d’enfants sur le continent africain et la fraude fiscale de footballeurs connus.
  • Anne Cabau qui a mis en lumière les effets d’un produit prescrit aux femmes enceintes pour prévenir les fausses couches et qui a occasionné des malformations chez leurs enfants et petits enfants
  • Alberto Alaya officier de contrôle au Bureau de contrôle de la qualité de l'air est à l’origine du Dieselgate chez Volkswagen.
  • Yasmine Motarjemi, ancienne cadre dirigeante chargée de la sécurité alimentaire au siège de Nestlé, a dénoncé des pratiques immorales et la gestion défaillante de la sécurité sanitaire des produits alimentaires de son entreprise. 

Le lanceur d’alerte est-il protégé ?

Depuis 2013, la France a adopté plusieurs lois pour protéger les lanceurs d'alerte.

Le statut juridique du lanceur d’alerte est protégé depuis la loi Sapin 2 en 2016 (appelé aussi dispositif d'alerte loi Sapin 2) qui le protège contre toute forme de représailles.

C’est la seule loi française relative au contrat de travail qui autorise le recours à la presse et lève le principe de confidentialité.

Si le signalement par le lanceur d’alerte respecte le cadre judiciaire, il est protégé à plusieurs égards : 

  • La confidentialité de l'identité des auteurs du signalement est garantie
  • Les éléments de nature à identifier le lanceur d'alerte ne peuvent pas être divulgués sans son accord
  • Les bénéficiaires de la protection ne pourront pas être condamnés à verser des dommages et intérêts pour les dommages causés par ce signalement
  • Le lanceur d'alerte doit avoir eu des motifs raisonnables de croire que cette procédure était nécessaire 
  • Le lanceur d’alerte est protégé contre des mesures de représailles, notamment disciplinaires (suspension, mise à pied, licenciement, rétrogradation ou refus de promotion, transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, suspension de la formation, évaluation de performance négative, discrimination, non-renouvellement d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, placardisation)

Voir aussi :

 Attention : la protection du lanceur d'alerte ne s'applique pas lorsque la divulgation publique porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationale.

Le lanceur d'alerte doit-il respecter une procédure spécifique ?

Il existe plusieurs cadres formels qui conditionnent la protection sous le statut de lanceur d’alerte : 

  1. Signalement interne : les faits peuvent être signalés au sein de l’entité où ils se sont produits, si la direction est présumée ne pas en avoir connaissance
  2. Signalement externe : les faits peuvent être transmis aux autorités (il ne s’agit pas d’un signalement public)
  3. Signalement public : les faits peuvent être publiquement divulgués par un moyen de communication accessible à toutes et tous tels qu’un réseau social ou un organe de presse. Ce troisième cas est plus restrictif.

Le signalement interne doit être fait si le lanceur d’alerte estime que l’entreprise peut y remédier directement et que le fait de procéder à ce signalement ne l'expose pas à un risque de représailles.

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La plupart du temps, si cela s’avère possible, les juges apprécient que le signalement interne ait été tenté. Il convient donc d’en garder la trace et de le documenter (attention au risque de destruction de preuves).

Le signalement externe arrive en deuxième option, si la première option n’est pas possible.

En cas de doute sur l’autorité compétente à laquelle signaler l’alerte, le Défenseur des droits pourra renseigner le lanceur d’alerte. Le juge judiciaire, ou le juge administratif sont également habilités à recevoir un signalement externe.

L'auteur du signalement doit être informé par écrit de sa réception dans un délai de 7 jours ouvrés. 

L'autorité saisie communique par écrit à l'auteur du signalement les mesures envisagées ou prises.

En dernier recours, la divulgation publique expose à un risque de perte de la protection du statut de lanceur d’alerte, sauf si : 

  • Un signalement interne ou externe a déjà été fait et aucune mesure appropriée n’a été mise en œuvre pour remédier aux faits dénoncés dans un délai de 3 à 6 mois selon l’autorité saisie
  • En cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment dans une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible
  • Le lanceur d’alerte a des raisons légitimes de penser qu’il court un risque en faisant un signalement externe
  • Si des preuves risquent d’être détruites ou dissimulées 
  • En cas de conflit d’intérêts avec l’autorité de signalement externe

Pour pouvoir être entendue et prise en considération, une alerte doit : 

  • pouvoir être attestée (écrits, témoins).
  • présenter une chronologie claire (antériorité de l’alerte sur les représailles).

Exemple de procédure lanceur d'alerte : la plate-forme cryptée de signalement GlobaLeaks permet de lancer une alerte avec le conseil de la Maison du Lanceur d’Alerte.

Le référent d'alertes professionnelles

Est-ce que le lanceur d'alerte doit prévenir le CSE ? 

Tout salarié doit avertir son employeur d'un risque grave que l'entreprise fait courir à la santé publique ou à l'environnement. 

Le salarié lanceur d’alerte a la possibilité de porter à la connaissance du CSE toute démarche de signalement interne ou externe, mais ce n’est pas une obligation.

Par ailleurs, le CSE doit être consulté par l'employeur pour la rédaction de la procédure interne de recueil et de traitement des signalements. Cette procédure doit être communiquée aux salariés par tout moyen.

Si le salarié lanceur d’alerte est un membre du CSE, des dispositions particulières s'appliquent. L'alerte est consignée par écrit sur un registre spécial dont les pages sont numérotées. Cette alerte est datée et signée et indique la nature du risque grave sur la santé publique ou l'environnement, les conséquences potentielles pour la santé publique ou l'environnement et toute autre information utile à l'appréciation de l'alerte consignée.

L'employeur examine la situation conjointement avec le représentant du personnel au CSE dans le cadre du dispositif d'alerte professionnelle obligatoire.

Lire aussi notre article sur : Droit d’alerte cse : exemples, procédure et code du travail

Qu’est-ce qu’un référent d'alertes professionnelles ?

Le référentiel CNIL alerte professionnelle (ou référentiel CNIL lanceur d'alerte) désigne un dispositif de signalement mis à la disposition des salariés par la CNIL, leur permettant de signaler des problèmes pouvant engager gravement la responsabilité d’une entreprise en matière de RGPD.

Plus de détail sur : Notifier une violation de données personnelles

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