Dans l’armée ou en temps de guerre, abandonner son poste correspond à une désertion et celle-ci est sévèrement réprimandée et passible de prison.
Heureusement, le Droit du travail ne va pas jusque là ! Cependant l’abandon de poste reste un cas fréquemment rencontré dans les entreprises.
Alors de quoi s’agit-il ? Un employé qui disparaît ? Assimilable à une démission ? Ou un employé qui a déserté et qui doit être licencié ?
Notre guide pour y voir plus clair.
Quelle est la définition d’un abandon de poste ?
La définition de l’abandon de poste dans le monde professionnel est le fait, de la part d’un employé, de s’absenter de son lieu de travail pendant les heures normales de service, de manière prolongée, répétée et sans justificatif.
L’employé peut se représenter de nouveau au travail le lendemain ou après quelques jours, ou tout simplement « ne plus donner signe de vie ».
Les deux cas sont qualifiés d’abandon de poste, avec des nuances toutefois sur les répercussions de tels agissements.
L’abandon de poste est caractérisé par une absence volontaire et injustifiée : il doit s’agir d’une absence illégitime.
Un salarié qui ne revient pas travailler après un arrêt maladie sans justificatif médical, ou qui ne réapparaît pas après une nouvelle affectation de poste dans l’entreprise, ou qui ne se montre plus après avoir reçu un blâme par exemple, sont des cas manifestes d’abandon de poste.
L’abandon de poste légitime
Un employé qui s'absente sans prévenir de manière brusque pour une raison familiale ou une urgence médicale n’est pas considéré comme coupable d’abandon de poste.
Certes, il devra présenter à son retour des justificatifs et s’expliquer sur les raisons de son absence de communication avec l’employeur, mais il n’a pas abandonné son poste.
Un employé qui exerce son droit de grève n’est pas non plus assimilable à de l’abandon de poste, puisqu’il s’agit de l’exercice légitime du droit de retrait.
Il n’y a pas non plus abandon de poste lorsque l’absence du salarié est prévue et autorisée par la convention collective (déménagement, mariage…).
Une absence injustifiée n’est donc pas toujours un abandon de poste. Tout va dépendre de la durée, des circonstances, mais surtout de l’intention derrière l’action.
Au bout de combien de temps est-on considéré en abandon de poste ?
Le délai d’absence raisonnable pour caractériser un abandon de poste est de 48 heures. Il correspond au temps octroyé au salarié pour prévenir son employeur en cas d’arrêt maladie ou de justification d’absence pour cas de force majeure.
L’employeur est en droit d’interroger plusieurs fois le salarié sur les raisons de son absence. Il peut aussi le mettre en demeure, plusieurs fois, de reprendre son activité. Le salarié qui ne répond pas aux mises en demeure de son employeur donne à ce dernier la possibilité d’engager une procédure disciplinaire.
Pourquoi un employé abandonne-t-il son poste ?
Pourquoi un employé quitterait-il son poste sans prendre la peine de prévenir son employeur ?
Outre l’aspect quelque peu cavalier de ce comportement, il peut y avoir plusieurs explications :
- l’employé n’est tout simplement plus intéressé par son travail, mais ne veut pas démissionner à cause des droits au chômage
- l’employé à trouvé un autre poste ailleurs et ne veut pas attendre la période de préavis
- l’employé subit un harcèlement ou des menaces au travail
- l’employé n’est plus en capacité de se rendre physiquement au travail (perte d’autonomie, de moyen de transport…)
- l’employé s’est vu refuser une rupture conventionnelle par son employeur
- l’employé s’est vu refuser une augmentation ou une promotion
- l’employé à qui on a refusé une rupture conventionnelle et qui veut pouvoir toucher le chômage (ce que la démission empêcherait)
Ce sont là les explications les plus rationnelles. À noter cependant que dans chacun de ces cas il existe des alternatives.
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Les différents types d’abandon de poste
Abandon de poste en CDI
L’abandon de poste en CDI donne droit au chômage, considéré comme une rupture du contrat de travail de la part de l’employeur (licenciement).
Abandon de poste en CDD
La rupture anticipée du CDD, consécutive à l’abandon de poste par le salarié, est une sanction disciplinaire. Partant, elle est soumise à la procédure disciplinaire des articles L1331-1 à L1334-1 du Code du travail. Le salarié en CDD qui commet un abandon de poste ne bénéficie pas de l’indemnité de fin de contrat, autrement appelée indemnité de précarité (article L1243-10 du Code du travail).
Abandon de poste en intérim
L’abandon de poste d’un salarié intérimaire est une rupture du contrat de travail entre l’intérimaire et son agence d’intérim. Il pourra alors être remplacé par un autre intérimaire envoyé par la même agence. L’intérimaire qui a abandonné son poste sans motif valide rompt le contrat de travail qui le lie à son agence.
Abandon de poste en période d’essai
L’abandon de poste en période d’essai met immédiatement fin à celle-ci et l’offre d’emploi ne sera pas finalisée. L’employeur peut mettre fin au contrat sans avoir à en donner la raison ni dédommager l’autre partie.
Abandon de poste arrangé
C’est l’alternative peu recommandable à la rupture conventionnelle. On observe ce type de rupture du contrat de travail dans certaines PME qui « arrangent » un abandon de poste avec leur salarié afin de ne pas avoir à verser l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Elle est toutefois préjudiciable à l’employé et passible de condamnation aux Prud’hommes.
Le cas de l’abandon de poste dans la fonction publique
Lorsqu’un agent public (fonctionnaire ou contractuel) s’absente totalement, de manière injustifiée et prolongée, et ne répond pas aux mises en demeure de son employeur, il est en situation d’abandon de poste.
L’agent qui se place en situation d’abandon de poste est considéré comme manquant à l’obligation de servir et il renonce aux garanties liées à son statut.
La radiation peut en conséquence être prononcée sans procédure disciplinaire.
La décision d’abandon de poste prend la forme d’un arrêté individuel notifié à l’agent.
Les congés annuels non pris ne donnent droit à aucune indemnité compensatrice. L’agent n’a en effet pas droit à une indemnité de licenciement et aux allocations chômage.
Quelle différence entre abandon de poste et démission ?
Abandon de poste et démission constituent tous deux une rupture du contrat de travail unilatérale de la part du salarié.
Cependant, l’un des principaux motifs de l’abandon de poste pour les employés est que, contrairement à la démission, elle devient un licenciement et ouvre donc des droits au chômage, ce qui est à l’avantage du salarié.
Dès le moment où l’employé ne prévient pas son employeur de son intention de démissionner en donnant et en exécutant son préavis de départ, il commet un abandon de poste. La démission étant, comme le rappelle l’article L 1237-1 du Code du travail, « une manifestation non équivoque de la volonté du salarié de quitter son poste ».
Il pourra donc s’attendre à être licencié, et à toucher une prime de licenciement, un préavis, le droit aux prestations de chômage, ce qui n’aurait pas été le cas avec une démission.
À l’avantage du salarié, donc, si son intention est bien de quitter définitivement son employeur. Mais il ne faut pas sous-estimer le fait que cette expérience pourra laisser des traces dans ses références professionnelles et l’historique de son parcours.
Par ailleurs, si l’intention de l’employé n’est pas de quitter définitivement son employeur, mais d’utiliser l’abandon de poste pour appuyer une revendication que lui refusait son employeur (augmentation, promotion, aménagement du poste…) opter pour cette « solution » est une très mauvaise idée car l’abandon de poste ouvre la possibilité de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. L’employé sera intégralement en tort.
Attention : la démission ne se présume pas ! Un employé en abandon de poste ne pourra jamais être considéré démissionnaire par l’employeur.
Seule exception : si l’employé a accepté un autre contrat alors qu’il était toujours sous contrat avec l’emploi qu’il a abandonné.
Que dit le Droit du travail sur l’abandon de poste ?
L’abandon de poste n’est pas prévu par le Code du travail et ce mode de rupture du contrat de travail n’est pas défini par la loi.
Techniquement, la jurisprudence constate que l’abandon de poste consiste pour le salarié à ne plus honorer les termes de son contrat de travail, sans concertation ni accord de l’employeur.
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Quels sont les risques d’un abandon de poste ?
La principale conséquence d’un abandon de poste est le licenciement pour cause réelle et sérieuse, caractérisée comme une absence injustifiée et prolongée du salarié malgré plusieurs relances de l’employeur.
L’abandon de poste devient une faute grave si le départ soudain du salarié nuit à l’organisation de l’entreprise ou met en danger des personnes. Et dans ce cas les indemnités seront nulles…
Mais la perspective d’un licenciement pour abandon de poste rapide suivi d’indemnités n’est pas toujours à la clé pour le salarié qui opte pour un abandon de poste ! En effet, l’employeur peut tout à fait tarder à engager une procédure de licenciement, et faire durer l’abandon de poste.
Dans la procédure abandon de poste, l’employeur dispose en effet d’un délai de 2 mois non rémunérés à compter du moment de l’abandon du poste, pour envoyer une lettre de convocation à un entretien préalable en vue d’une procédure disciplinaire ou de licenciement.
Pendant ce temps, le salarié ne perçoit aucune rémunération d’emploi (suspension de rémunération), aucune indemnité, et ne peut pas faire valoir ses droits au chômage. Seul le prononcé du licenciement déclenche la possibilité de percevoir le chômage.
Autre risque à ne pas minorer, tant que le salarié est en situation d’abandon de poste, il ne peut pas être embauché dans un nouvel emploi. L’abandon de poste et la signature d’un nouveau contrat doivent impérativement être séparés par une rupture en bonne et due forme du précédent contrat de travail. Ce qui peut prendre plus de 2 mois.
D’autres sanctions peuvent également être envisagées par l’employeur, notamment une procédure disciplinaire dans un délai de 2 mois. Ceci dans le cas où l’employeur et le salarié s’entendent sur un retour en poste de ce dernier, ce qui n’est pas avisé car la confiance et les relations de travail ont été entachées…
Licenciement et indemnités à verser pour un abandon de poste
L’employeur n’a aucune obligation légale d’engager une procédure de licenciement suite à un abandon de poste. Il optera cependant pour cette solution si aucune autre issue n’est trouvée avec son employé.
En revanche il peut suspendre la rémunération et entamer une procédure de licenciement pour faute, après 2 mois à compter de la disparition de son employé.
Malgré la suspension de la rémunération, l’employé recevra chaque mois des fiches de paie à zéro, et ses couvertures sociales dépendant de l’entreprise seront suspendues.
Le licenciement du salarié pour abandon de poste peut être qualifié :
- de licenciement pour faute grave s’il est rapporté la preuve que l’absence a désorganisé le service (cela dépend du contexte professionnel).
- de licenciement pour cause réelle et sérieuse.
En cas de licenciement, il convient de faire une convocation par lettre abandon de poste AR à un entretien préalable, avec mention de l’objet de l’entretien, de sa date, du lieu et de l’heure de l’entretien, ainsi que de la possibilité de se faire assister.
L’entretien doit avoir lieu au moins 5 jours ouvrables après la présentation de la convocation.
L’employeur doit attendre au moins 2 jours ouvrables pour envoyer la lettre de rupture du contrat, le solde de tout compte abandon de poste, et les différents documents nécessaires pour s’inscrire au chômage.
Abandon de poste : indemnités dues ?
Le licenciement et l’indemnité de préavis sont payables si le motif de licenciement est une faute simple. L’indemnité de congés payés doit être versée qu’il s’agisse de faute grave ou faute simple.
L’employeur peut-il demander des dommages à l’employé qui abandonne son poste ?
L’employeur est en droit de saisir le Conseil de prud’hommes pour demander la condamnation de son salarié au paiement de dommages et intérêts.
Pour faire valoir ce droit, l’employeur doit rapporter la preuve que l’absence injustifiée du fait de l’abandon de poste a causé un vrai préjudice organisationnel ou matériel à l’entreprise
Dans certains cas exceptionnels, l’abandon de poste relève du pénal s’il met en danger la sécurité d’autrui.
Avis de non responsabilité : Cet article de blog est destiné à des fins d'information uniquement et ne constitue pas des conseils juridiques spécifiques. Les lecteurs doivent discuter de leur situation particulière avec un avocat ou professionnel du droit.