Rétrogradation : détail, procédure et code travail (2024)

Pour un employeur, la grosse difficulté d’une procédure de rétrogradation est qu’elle peut s’apparenter soit à une alternative au licenciement, soit comme du harcèlement moral si elle est mal vécue par l’employé.

Une procédure à manier avec des pincettes et en respectant à la lettre le cadre réglementaire, donc. Explications.

Qu’est-ce que la rétrogradation ? 

La rétrogradation consiste à abaisser le niveau de responsabilités et la hiérarchie d’un salarié dans l’entreprise. 

De fait, c’est l’inverse d’une promotion. Cette sanction est lourde de conséquences pour le salarié : conséquences morales puisqu’on lui retire de la confiance qu’on avait placée en lui, conséquences avec ses collaborateurs puisqu’ils sont confrontés à son échec, conséquences professionnelles bien sûr puisque cela ampute sa carrière, et conséquences financières.

Mais la rétrogradation est très strictement encadrée par le droit du travail et ne peut pas se faire aussi simplement qu’une promotion. Principalement, il faut obligatoirement que le salarié l’accepte et donne son accord pour que la rétrogradation puisse être effective.

La définition de la rétrogradation donnée par le Code du travail

Définition de la rétrogradation

La définition de la rétrogradation donnée par le Code du travail est une « sanction disciplinaire qui consiste à affecter le salarié à une fonction ou à un poste différent de niveau inférieur à celui qu’occupait l’intéressé ».

Sachant deux choses fondamentales prévues par le Code du travail :

  • le salarié doit donner son accord pour être rétrogradé
  • la rétrogradation ne doit pas constituer une sanction pécuniaire, mais une diminution logique de salaire.

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Quels sont les différents motifs de rétrogradation ?

Même si formellement elle n’endosse pas cette intention, la rétrogradation n’est pas autre chose qu’une alternative au licenciement.

Comme tout « licenciement », les motifs de la rétrogradation peuvent être variés.

La rétrogradation doit être pleinement justifiée et aboutir en « fin de parcours », lorsque différentes options ont été essayées et les motifs de sanction justifiés : comportement fautif volontaire, insuffisance professionnelle non résolue par des plans de formation personnalisés…

  • Rétrogradation pour insuffisance professionnelle : si le salarié a démontré une insuffisance professionnelle au poste auquel il a été embauché ou promu. Dans ce cas, soit le salarié demeure un bon élément pour l’équipe, mais à un autre poste (rétrogradation ou mutation) soit il s’avère être inadapté à l’entreprise (terminaison de la période d’essai, ou licenciement).
  • Rétrogradation disciplinaire : ce type de rétrogradation est très délicat, car elle pourrait être perçue par le salarié comme une sanction pécuniaire à un manquement disciplinaire. Une telle sanction serait prohibée par le Code du travail article L1331-2 et punie d’une amende de 3750 € par l’article 1334-1 du Code du travail. La rétrogradation doit donc impérativement être assortie d’une diminution des responsabilités et/ou de la charge de travail. De fait, la rétrogradation disciplinaire est à éviter pour l’employeur, car il lui sera difficile d’obtenir l’accord du « fautif » pour une sanction. Dans ce cas d’autres solutions sont préférables : avertissement, blâme, mise à pied voire licenciement pour faute…
  • Rétrogradation administrative ou rétrogradation économique : si une réorganisation de l’entreprise est inévitable suite à des difficultés économiques par exemple. Dans ce cas, soit le salarié refuse le nouveau poste proposé (parce qu’il est moins important, moins bien payé…) et négocie une indemnité de départ ; soit il accepte cette réaffectation pour rester dans les effectifs de l’entreprise.
  • Reclassement : le reclassement, à défaut du déclassement, permet à l’employeur de modifier les responsabilités et les attributions d’un cadre ou salarié sur un poste similaire, correspondant à la nature et l’étendue des responsabilités opérationnelles acquises au titre de son précédent poste.
  • La rétrogradation « cachée » est une rétrogradation sans baisse de salaire, dans laquelle l’employé est « mis au placard » et ses responsabilités lui sont peu à peu retirées. Cela peut dans certains cas être assimilé à du harcèlement moral.

Le niveau hiérarchique (classification des emplois de la convention collective applicable à l’entreprise) figure sur les bulletins de salaire la plupart du temps.


Par exemple, reclasser un responsable de département en responsable technique constitue une rétrogradation, car le niveau de responsabilités et d’autonomie n’est pas le même. 


L’employeur peut changer la tâche confiée à un salarié sans recueillir son accord, mais à condition de ne modifier ni la nature ni l’étendue des responsabilités et attributions.

Rétrogradation dans le Code du travail : que dit la Loi ?

La rétrogradation dans le Droit du travail est très clairement encadrée.

Si c’est une sanction pécuniaire cachée, ou un moyen détourné de « faire des économies sur le personnel », elle est interdite par la loi (article L. 1331-2 du Code du travail).

L’employeur qui se rend coupable d’une rétrogradation illicite est et passible d’une amende de 3 750 € (article L.1334-1 du Code du travail) voire de poursuites pour harcèlement moral !

Une baisse de salaire sans changement de fonction ou de responsabilités ou une rétrogradation sans l’accord de l’employé est interdite.

Les principaux articles du Code du Travail relatifs à la rétrogradation sont :

Procédure de rétrogradation d'un salarié

Quelle est la procédure de rétrogradation ? 

Pour un employeur, envisager une rétrogradation c’est envisager la modification d’un élément essentiel du contrat de travail.

Il doit donc en faire la proposition à son employé lors d’une rencontre, suivie par une lettre recommandée avec avis de réception.

Par la suite, 2 cas de figure :

  • Soit l’employé accepte et donne son accord exprès et non équivoque du salarié. Il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l’entreprise est en redressement ou en liquidation judiciaire.
    À défaut de réponse, l’employeur peut considérer que la modification proposée est acceptée (article L. 1222-6 du Code du travail). Lors de l’entretien préalable, l’employé peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Il signe alors un avenant au contrat de travail.
  • Soit l’employé refuse. Dans ce cas l’employeur peut renoncer, ou engager la procédure de licenciement prévue par l’article.

Déroulement obligatoire

L’employeur désirant procéder à une rétrogradation doit convoquer le salarié visé à un entretien préalable, par courrier recommandé avec accusé de réception, ou remis en main propre. 

La lettre de convocation doit mentionner l’objet de l’entretien, mais pas nécessairement la nature des changements contractuels envisagés (rétrogradation). L’employeur doit aussi préciser au salarié qu’il a la faculté de se faire assister pendant l’entretien. 

Suite à l’entretien, l’employeur doit informer de sa décision de proposer au salarié une rétrogradation. Ici aussi, par courrier recommandé, ou remis en main propre.

Ce deuxième courrier doit être remis entre 48h et 1 mois après la tenue de l’entretien.

À noter  : L’avenant au contrat doit alors être accepté et signé par le salarié.

Si ce dernier refuse la rétrogradation par le salarié, cette rupture s’analyse en un licenciement qui ouvre droit au profit du salarié à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Rétrogradation dans une entreprise de plus de 20 salariés

Pour toute entreprise comptant au moins 20 salariés, la possibilité auto octroyée par l’employeur de rétrograder ses salariés doit figurer au règlement intérieur.

Si cet élément n’y figure pas, même avec l’accord du salarié, la rétrogradation peut faire l’objet d’un jugement devant le Conseil des Prud’hommes, qui annulera la rétrogradation et condamnera l’employeur à une indemnité.

Rétrogradation à la demande du salarié

Rétrogradation à la demande du salarié : est-ce possible ?

Bien que cela soit moins fréquent, la rétrogradation à l’initiative du salarié, soit un acte volontaire, est possible.

Il se peut qu’un salarié souhaite libérer plus de temps pour sa famille, se libérer de responsabilités trop importantes, stresser moins, etc. Il voudra donc occuper un poste moins important dans la hiérarchie et aussi acceptera d’être moins bien payé.

Depuis quelques années, certaines entreprises proposent une forme de promotion avec un « droit de retour » au bout d’un certain temps si les responsabilités s’avèrent trop pesantes pour l’employé, qui peut alors revenir à son ancien poste volontairement.

Mais en dehors de ce contexte, si employé et employeur sont d’accord, il n’y a aucune raison de ne pas contractualiser un avenant de rétrogradation.

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Que se passe-t-il en cas de refus du salarié ? 

La rétrogradation modifie le contrat de travail entre les deux parties. Le consentement du salarié est donc obligatoire.

Dans le cas où l’employeur essaie d’imposer la rétrogradation de manière unilatérale, il contrevient à ses obligations contractuelles et devient passible de poursuites et de sanctions auprès du Conseil de Prud'hommes.

Un employeur qui force une rétrogradation et décide ensuite de licencier le salarié si celui-ci conteste, commet une double sanction et devient là aussi passible de poursuites et de sanctions auprès du Conseil de Prud'hommes.

Le salarié a donc le droit de refuser sa rétrogradation, mais si l’employeur ne souhaite résolument pas le garder dans ses fonctions, cela constitue de fait une prise d’acte et/ou la résiliation judiciaire du contrat de travail, et de fait un licenciement sans cause réelle et sérieuse (l’employeur ne pourra en aucun cas se servir du refus du salarié d’être rétrogradé pour justifier son licenciement) avec indemnité de préavis, indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi par l’employé.

La poursuite du contrat de travail est rendue impossible par le fait que les deux parties ne s’entendent pas sur les termes contractuels.

Attention

Le silence ne vaut pas acceptation, ni la poursuite du contrat de travail aux nouvelles conditions. L’accord du salarié doit toujours être matérialisé par un écrit. L’employeur est tenu d’informer le salarié de ce droit de refus.

Comment aider le salarié qui subit une rétrogradation ?

La rétrogradation est vécue comme un échec par le salarié qui la subit, quelle que soit la raison (économique ou autre).

Cela est donc difficile à vivre d’un point de vue personnel, et également auprès de ses anciens subordonnés, qui deviennent ses collègues. 

La période de transition est donc délicate à gérer au sein de l’équipe.

Un coaching d’accompagnement peut être mis en place, individuellement auprès du salarié rétrogradé.

Ce coaching visera à ce que la rétrogradation ne soit pas vécue comme un échec, mais comme une remise à niveau de ses responsabilités, une nouvelle opportunité de formation à de nouvelles compétences, et globalement l’occasion de révéler son potentiel ailleurs et autrement.

Tout le monde n’est pas manager né. Des personnes très compétentes perdent tous leurs moyens face au stress des responsabilités et cela n’enlève rien à leur savoir-faire.

Voir notre article sur Retenue sur salaire : montant, cas et solutions

Avis de non responsabilité : Cet article de blog est destiné à des fins d'information uniquement et ne constitue pas des conseils juridiques spécifiques. Les lecteurs doivent discuter de leur situation particulière avec un avocat ou professionnel du droit.

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