Favoritisme au travail : du copinage à la discrimination

Ça commence à l’école. La maîtresse a ses chouchous. Ce sont toujours eux qui profitent de ses attentions et qui ont droit aux bons points, aux plus beaux jouets et aux meilleures places au cinéma…

Mais devenus adultes, et en particulier dans le cadre d’une relation professionnelle, le favoritisme ne devrait plus avoir sa place.

Difficile de lutter contre les sympathies naturelles et le copinage au travail. Cependant dans le cadre professionnel, le favoritisme se transforme en discrimination.

Comment repérer un cas de favoritisme au travail ? Comment réagir ? Que prévoit la Loi ? ? Les réponses détaillées.

Exemple de favoritisme au travail

Quelle est la définition du favoritisme au travail ?

Le favoritisme, dans sa définition classique, concerne un comportement bienveillant à l’égard d’une personne (ou ici d’un employé) qui conduit à la traiter avec des attentions particulières par rapport à ses collègues, et à lui octroyer des avantages que les autres employés n’ont pas. 

Le favoritisme est exercé par une personne dépositaire d’une autorité ou d’un pouvoir de décision, c’est-à-dire un directeur, un manager…

La contrepartie est donc la différence de traitement entre collègues pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le travail en soi.

Il faut distinguer clairement le favoritisme qui s’appuie sur des relations personnelles proches associées à trop de copinage au travail, de la reconnaissance professionnelle, qui n’a rien à voir avec les relations interpersonnelles, mais avec les compétences du salarié

Rien de mal à être bienveillant envers un salarié, cependant là où le bât blesse c’est que le favoritisme au travail devient de la discrimination… pour ceux qui n’en bénéficient pas : 

  • Ne met pas tous les salariés sur un pied d’égalité et nuit au principe d’équité
  • Accorde des faveurs injustifiées et non liées à la compétence ou au mérite
  • Crée une rivalité et une ambiance de travail négative sur fond d’injustice et de partialité
  • La motivation dans l’entreprise et l’engagement des salariés sont en chute libre

Quels synonymes pour le favoritisme au travail ?

Dans le vocabulaire de l’entreprise, le favoritisme porte plusieurs noms, que l’on retrouve largement repris sur n’importe quel forum sur le favoritisme au travail.

On parle de copinage au travail lorsqu’un supérieur a des relations extraprofessionnelles avec un employé.

Dans certains cas, il s’agit de népotisme, si le salarié est un membre de la famille.

Nombreux sont les cas de « piston » à l’embauche, à savoir une forme déviée de la recommandation, dans laquelle une personne est embauchée ou promue pour des raisons qui échappent à ses performances. On parle aussi de clientélisme ou de cooptation.

Quelle est la définition du délit de favoritisme dans la Loi ?

La Loi pénale distingue le favoritisme au travail fonction publique, qu’elle associe au délit de favoritisme, et le favoritisme discriminatoire dans le Code du travail.

L’article 432-14 du Code pénal définit le délit de favoritisme spécifiquement dans les marchés publics comme le fait de « procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession. »

On parle également dans ce cas de « délit d’octroi d’un avantage injustifié ». Le délit de favoritisme est passible de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende dans le cas où l’autorité jugée coupable est dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif.

L’article L2271-1 du Code du travail de son côté, consacré au principe d’égalité de traitements, ainsi que toute la partie consacrée aux relations individuelles de travail (Articles L1111-1 à L1532-1) dudit Code, détermine les fondements antidiscrimination au travail. 

Dans le cadre du travail on parlera davantage de discrimination et d’inégalité professionnelle (ou iniquité) que de favoritisme.

Exemples de favoritisme au travail 

Il est particulièrement difficile, à compétences égales, de prouver qu’un manager favorise le salarié qu’il « préfère » pour des raisons extérieures. Il faut démontrer clairement le terrain de l’inégalité ou de la discrimination.

Le favoritisme ou la discrimination s’entend donc globalement par opposition au mérite.

Tout ce qui relève du traitement préférentiel et qui ne s’appuie pas sur des raisons professionnelles est possiblement du favoritisme : 

  • Salaires et primes inexpliquées, et de manière générale toute forme de différence de traitement
  • Promotions injustifiées
  • Avantages en nature non partagés
  • Plus grand bureau
  • Véhicule de fonction alors que les collègues au même poste n’en ont pas
  • Partage d’informations autour du café
  • Horaires adaptés de manière injustifiée
  • Tolérance excessive des retards ou des mauvaises performances de l’employé favorisé
  • Manque de cohérence dans la gestion des équipes
  • Etc.

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Comment réagir face au favoritisme ?

Un salarié qui s’estime lésé parce qu’un collègue est favorisé ne doit pas hésiter à interroger la situation de manière objective. Il s’agit de déterminer clairement, par des faits et des critères mesurables, qu’il s’agit bien de discrimination par favoritisme plutôt que récompenses d’un mérite professionnel.

  • Quels sont le ou les avantages acquis ? Sont-ils accessibles aux autres collègues ? Quelles ont été les justifications données pour la promotion ou l’augmentation du collègue, ou le traitement de faveur dont il ou elle profiterait ?
  • D’autres collègues ont-ils fait des demandes similaires et obtenu des réponses différentes ? Les raisons du refus sont-elles clairement énoncées ? 
  • La pratique managériale est-elle vraiment discriminatoire ? 
  • D’autres personnes partagent-elles cette analyse ?
  • Le manager est-il transparent sur les critères de promotion ou de traitement donnés à tous les membres de son équipe ? 

Il est par ailleurs important d’étudier les avantages catégoriels prévus par convention collective ou accord collectif, les éléments objectifs (situation familiale ou adaptation du poste de travail pour raisons médicales…) au sein de l’entreprise. Cela servira à prouver que les termes des accords ne sont pas respectés.

Attention toutefois à ne pas viser le collègue prétendument favori dans vos démarches. Ce n’est pas le collègue favorisé qui est visé, mais la démarche discriminatoire du manager. Il ne s’agit pas d’en faire un sujet de bavardage au bureau, mais de faire en sorte que l’équité de traitement soit appliquée dans l’entreprise.


Il faudra privilégier une démarche positive de transparence, non accusatoire, et faire preuve de diplomatie avec des faits, des accords et conventions, et des questions. La discussion doit s’orienter sur les salariés discriminés plutôt que sur le salarié favorisé.

Après avoir examiné les politiques de l’entreprise et établi un cas de favoritisme discriminatoire, il conviendra d’interroger le manager en toute transparence et au besoin de dénoncer la situation au représentant des Ressources Humaines ou à la direction générale.

Une telle démarche peut également concerner le Conseil des Prud’hommes.

Comment dénoncer et prouver le favoritisme au travail ?

Dans cas d’une différence de traitement injustifiée, l’article L. 2271-1 du Code du travail, articulé sur le principe « à travail égal, salaire égal » se suffit presque en soi.

Les employeurs ne peuvent plus invoquer la confidentialité des bulletins de paie pour cacher une inégalité de salaire. Il est possible par exemple pour une femme de consulter les bulletins de paie de ses collègues hommes à un poste similaire, au nom de l’équité de salaires.

Si la différence de traitement est étrangère à toute considération professionnelle, à tout avantage catégoriel, à toute performance exceptionnelle, à une différence de rémunération en raison de contraintes différentes, ou encore à des difficultés matérielles locales de recrutement qui verraient un nouvel employé payé plus qu’un ancien, il est possible de porter plainte pour non-respect de l’égalité salariale.

Dans le cas d’une mesure discriminatoire avérée par « favoritisme inversé », c’est dire reposant sur un manager qui fait du favoritisme basé sur des considérations personnelles extérieures au travail, on cherchera un motif illicite énoncé aux articles L. 1132-1 à L. 1132-3-3 du Code du travail (race, religion, sexe, etc.), ou relevant du harcèlement moral et sexuel (articles L. 1152-2 et L. 1153-2 du Code du travail) par exemple.

La jurisprudence prévoir également la violation des libertés fondamentales du salarié (droit d’expression, droit de retrait, respect de la vie privée, etc.).

Le salarié qui souhaite contester une inégalité de traitement ou une mesure discriminatoire peut saisir le conseil des prud’hommes afin d’obtenir un rappel de salaire ou la réparation d’un préjudice subi.

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Quelles mesures mettre en place pour éviter les situations de favoritisme au travail ?

Pour tout le monde, il est plus agréable d’entretenir de bonnes relations au travail avec ses collègues. Cependant il est important de mettre des limites à toute relation de copinage au travail et de ne pas « déborder » sur le cadre personnel et amical. 

Le favoritisme ou le copinage finiront tôt ou tard par ternir les relations de travail et créer des inégalités et de la discrimination.

À noter  :  Il est très important, dans la formation des managers, de leur rappeler qu’il est de leur devoir de faire preuve d’un principe de neutralité et d’équité envers tous les membres de leur équipe. 

  • La convention, les accords d’entreprise, ou le contrat de travail doivent rappeler les critères d’attribution de promotions ou de primes, de télétravail et d’autres avantages et conditions de travail.
  •  Les évaluations doivent être continues régulières et s’appuyer sur des principes objectifs et quantifiables. La transparence est le maître-mot.
  • Les échanges doivent être encadrés dans des temps alloués (réunions, rendez-vous) et faire l’objet de procès-verbaux.
  • Un certain formalisme doit être maintenu dans les échanges, ainsi que dans les modes de communication : emails plutôt que SMS par exemple.

Il convient d’agir avec justesse et justice. Les erreurs ou insuffisances de performances ne peuvent pas être laissées sous silence, et les performances doivent être saluées.

L’un des rôles du CSE est de promouvoir une culture d’équité et de transparence, l’application cohérente des avantages sociaux et promotions, et d’encourager la diversité et l’inclusion.

Développer des programmes de mentorat et de parrainage sous l’influence du CSE peut également participer à instaurer un environnement où chacun se sent entendu et valorisé.

Enfin, tout élément extérieur au travail est à proscrire dans les critères d’embauche, de promotion ou de traitement des salariés.

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